Comme nous l’avons constaté, le Livre blanc de 2008 n’est pas content de l’évolution récente de la Russie. Mais il déclare bien connaître les faiblesses internes de celle-ci.
Quant à l’extérieur proche, qu’y aurait-il à dire, par exemple, de l’importance pour la Russie de ses liens avec l’Ukraine ?
C’est ce que nous allons pouvoir mieux comprendre en lisant Olga Garanina. Tout d’abord, il faut rappeler qu’après l’implosion de l’URSS, les républiques qui la constituaient ont suivi, pour la plupart d’entre elles, des voies parallèles. A l’exclusion des Etats baltes, et à une exception près (la Géorgie qui s’y rallie en 1993), elles ont toutes formé en 1991 la Communauté des Etats indépendants (CEI). On y retrouve l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Moldavie, l’Ouzbékistan, la Russie, le Tadjikistan, le Turkménistan, l’Ukraine.
Olga Garanina divise les relations commerciales de la Russie selon trois catégories de pays : la CEI (Communauté des Etats indépendants), l’UE (Union européenne) et la Chine. Voici à quoi elle aboutit, tour à tour :
« Avec les pays de la CEI, la Russie maintient un solde commercial positif sur les échanges de produits manufacturés. De plus, le solde positif est en progression depuis le début des années 2000. Globalement, la CEI est la seule zone géographique vers laquelle la Russie arrive à augmenter ses exportations manufacturières. » (page 93)
« L’UE compte pour la majeure partie du déficit commercial russe calculé pour les produits manufacturés. De plus, le solde connaît une dégradation rapide. » (page 93)
« Le solde commercial pour les produits manufacturés dans les échanges avec la Chine est négatif depuis 2003. Alors que les exportations chinoises sont en très forte expansion, la Chine ayant triplé ses exportations entre 2003-2006, les exportations russes sont globalement stagnantes. Par conséquent, la balance commerciale globale du commerce russo-chinois est devenue négative pour la Russie. » (page 93)
Ne sont retenus, ici, que les biens manufacturés, c’est-à-dire des biens dont la valeur vénale dépend de la concurrence et s’appuie indirectement sur le temps de travail consacré à leur production ainsi que sur la valeur économique à la fois des instruments de travail utilisés et des matières premières incorporées. A l’inverse, n’apparaissent pas ici les biens qui, dans le vocabulaire utilisé par Olga Garanina, offrent un « avantage absolu » :
« Ces derniers correspondent à la situation où l’un des partenaires n’est pas en mesure de produire le bien importé, quels que soient les coûts. Les hydrocarbures et autres matières premières font partie des avantages absolus. En effet, pour ces produits, il n’y a pas de coûts comparés et le prix à l’échange varie en fonction de la conjoncture internationale sans les limites des coûts comparés des pays échangistes. » (page 101)
C’est-à-dire qu’au-delà de leur coût de production, ils sont porteurs d’une rente…, cette richesse qui ne demande qu’à être accaparée, puisqu’elle n’est pas nécessaire à la continuation de la production. C’est à ces biens qu’Olga Garanina attribue cette redoutable caractéristique :
« […] la « malédiction des ressources » est due non pas à la richesse en ressources naturelles, mais surtout aux problèmes de partage (utilisation) des revenus de leur exploitation. La richesse en ressources naturelles provoque des conséquences négatives en termes d’économie politique, favorisant les comportements de recherche de rente, ce qui se répercute sur le ralentissement de la croissance. » (page 139)
Autrement dit, il est urgent de ne pas rester dans la dépendance de pareilles « richesses ». D’où l’importance des biens manufacturés, dont nous avons vu, grâce à Olga Garanina, la place différenciée qu’ils occupent, selon qu’il s’agit des échanges de la Russie avec la CEI, l’UE ou la Chine.
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Michel J. Cuny