(Documentaire sur la Libye d’A. Vitkine, diffusé sur France 3, le 9 avril 2015. Analyse.)
Lorsque Nicolas Sarkozy marche, à Tripoli, au milieu d’un groupe de Français, il ne paraît pas très serein. Une journaliste lui pose cette question : « Est-ce qu’on peut savoir votre réaction à à à la mort de Monsieur Kadhafi ? » Le président fait non de la tête en souriant. Il marche. Il regarde un peu de côté en souriant. Un micro se tend. Il se décide à répondre. Lui a-t-on dit que la mort de Muammar Gaddhafi n’était pas digne de la France ? Il parle d’une voix blanche : « L’objectif, c’est que la Libye retrouve sa liberté et un espoir démocratique. On ne doit jamais se réjouir de la mort d’un homme. Quel quel que soit ce qu’il ait fait. Jamais. Mais la menace que faisait peser Kadhafi était une menace réelle sur l’avenir de la Libye. »
Révolution du 1er Septembre 1969
Les membres du CCR (Conseil du Commandement de la Révolution)
Mais ce que monsieur Sarkozy n’est pas et ne sera jamais en capacité de comprendre, c’est que la Libye avait retrouvé « sa liberté » depuis le 1er Septembre 1969. Le peuple libyen, contrairement à une partie de la petite et moyenne bourgeoisie française, ne vivait pas d’« espoir » mais de réalité, et sa réalité, c’était une réelle démocratie directe, comme il n’y en a jamais eu en France et dans les autres pays dits libres.
Qu’a fait le CCR ? Dès septembre 1969… « [L]e salaire minimal est doublé, les loyers sont réduits de 30 à 40 % et une politique de blocage de prix est esquissée pour faire face à l’augmentation du coût de la vie. » Etc. [Cité dans « La Libye révolutionnaire dans le monde (1969-2011) », Editions Paroles Vives 2014, page 30.]
Qu’a fait Nicolas Sarkozy ? En octobre 2007, il s’accorde une augmentation de salaire qui passe de 7.084 à 19.331 euros, soit une augmentation de 172 %. Ce n’est pas Françoise Petitdemange qui le dit mais Le Figaro du 17 mai 2012, article : « Les salaires des ministres seront réduits… »
La démocratie directe en Libye était un modèle à détruire, selon les chefs des pays occidentaux endettés, pour que les peuples de leurs pays n’aillent pas trop regarder de l’autre côté de la Méditerranée, dans le Nord de l’Afrique, dans cette Libye où le peuple vivait mieux que le peuple français. Le peuple libyen savait si bien se gouverner lui-même que la Libye était le pays le moins endetté de la planète en décembre 2010 : il menaçait, par ses capacités politico-économiques, non pas le peuple français mais les intérêts de la grande bourgeoisie occidentale et de la finance internationale.
Voilà pourquoi les chefs d’États occidentaux ont fait bombarder, de nuit comme de jour, le peuple libyen dans sa vie, dans son sommeil, et ce, jusque dans les petits villages. Voilà pourquoi les chefs d’États français, britannique, états-unien se sont livrés à une véritable chasse à l’homme pour avoir la peau, non seulement de Muammar Gaddhafi mais aussi de ses fils, de ses amis restés fidèles à la Révolution du 1er Septembre 1969, comme Abou Bakr Younis Jaber.
Général Abdelfattah Younès
Abdelfattah Younès, qui faisait partie de la centaine de révolutionnaires civils et militaires qui avaient appuyé le groupe des douze, en 1969, est-il passé, véritablement, dans le camp de la rébellion ou seulement, apparemment, avec la complicité de Muammar Gaddhafi, pour protéger la GJALPS (Grande Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire Socialiste) ? En tout cas, repéré et talonné par Bernard-Henri Lévy qui prit directement contact avec le Mossad, le Général Abdelfattah Younès sera assassiné, le 28 juillet 2011. Il sera remplacé aussitôt par le Général Haftar, agent, depuis les années 1980, de la CIA.
Que connaissent de l’histoire de leur pays, ces prétendus rebelles,
pour arborer, lors de l’enterrement d’Abdelfattah Younès, les deux drapeaux :
« le drapeau de la honte » d’Idriss 1er, roi fantoche des colonisateurs
français, britannique, états-unien jusqu’en 1969,
et le drapeau rouge-blanc-noir de la RAL (République Arabe Libyenne) (1969-1977)
qui a donné à la Libye sa véritable indépendance ?
Muammar Gaddhafi était un constructeur, non un destructeur comme les chefs d’États occidentaux. Il n’a jamais été une menace « sur l’avenir de la Libye » mais sur l’avenir du capitalisme. Ou, plutôt, la GJALPS (Grande Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire Socialiste), qui faisait ses preuves depuis 1977, et les Etats-Unis d’Afrique, en voie d’être créés, étaient deux menaces d’importance sur le système politico-économique occidental, obsolète, dont bénéficie encore la grande bourgeoisie au détriment des populations.
Qui était une menace « sur l’avenir de la Libye » ? Sinon Nicolas Sarkozy, lui-même, qui est aussi une menace sur la France. Qui sont ceux qui ont détruit « l’avenir de la Libye », l’avenir du peuple libyen, l’avenir de l’Afrique et des peuples africains mais aussi… l’avenir du peuple français ? Sinon Nicolas Sarkozy, David Cameron, Barack Obama, Hillary Clinton… Le criminel de guerre espérait, lâchement, se faire réélire en 2012, afin d’échapper à la justice française ; il cherche à se faire réélire en 2017. Non pas parce qu’il aime la France, mais parce qu’il veut récupérer l’immunité présidentielle qui lui assurerait d’échapper à la justice de son pays, définitivement, pour toutes les affaires qui le suivent partout. Puisse le peuple français se passer d’un deuxième quinquennat sous la présidence de Sarkozy et demander le jugement de cet homme, comme il se doit. Puisse le peuple français balayer des urnes les hommes et les femmes politiques qui ont appuyé les guerres à répétition dans les Balkans, dans le monde arabe et en Afrique.
Le silence médiatico-politique français sur la mort de plus de 500.000 hommes, femmes, enfants, tué(e)s sous les bombes des droits de l’homme, rien qu’en Libye et en Syrie, le silence médiatico-politique français assourdissant sur la destruction des villages et des villes d’Afghanistan, d’Irak, de Libye, de Syrie, du Mali, d’Ukraine, du Sahel, etc., le silence de mort ne parviendra jamais à masquer le fait que les présidents français et leur clique, qui s’agrippent au pouvoir de toute la force de leurs mensonges, sont des voleurs et des criminels de guerre.
Hillary Clinton, évoquant la mort de Muammar Gaddhafi…
« Ça jouit », dirait Jacques Lacan.
(capture d’écran par Françoise Petitdemange)
À propos de la mort de Muammar Gaddhafi, Nicolas Sarkozy prend un ton hypocrite qui ne trompe que lui-même : « On ne doit jamais se réjouir de la mort d’un homme. » Pourtant, il y a eu des sourires et, même, des rires, et une Hillary Clinton qui s’esclaffe : « We came, we saw, he died. Ah ! Ah ! Ah ! » (« Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort. ») [« Mort de Kadhafi. L’indécence d’Hillary Clinton. » Youtube.] De quoi, de qui s’est vengée Hillary Clinton sur Muammar Gaddhafi ? De l’ « affaire Lewinsky » appelée aussi « Monicagate » ; du « mensonge sous serment » qu’avait fait le triste Bill, son mari, alors président des Etats-Unis. Il est vrai qu’avant de défrayer la chronique mondiale, en tant qu’occupant(e)s de la Maison-Blanche, Hillary et Bill Clinton s’entendaient parfaitement dans les magouilles immobilières qui furent réunies sous le nom de « Whitewater ». C’est cette femme, riant de la mort d’un homme – par lynchage suivi d’assassinat filmés en direct et projetés à la face du monde -, qui, maintenant, brigue la présidence des États-Unis ?
Suite : 34. Les opposants incapables de construire l’avenir de la Libye
Françoise Petitdemange