Michel J. Cuny – Françoise Petitdemange : en écho au partage du savoir, une première attaque personnelle…

…1976-2018…

Michel J. Cuny – Françoise Petitdemange :
en écho au partage du savoir,
une première attaque personnelle…

16ème texte, 15 août 1976

Petit à petit, Michel J. Cuny voulait partager ce qu’il avait appris avec les lecteurs et lectrices des Hautes-Vosges :
« Voici quelques années, j’étais étudiant à la Faculté de Droit de Nancy. Parmi différentes choses plus ou moins spectaculaires, j’ai appris ceci : que les prix affichés sur un objet permettront à celui-ci de se vendre plus facilement, s’ils ont une certaine qualité. Je vous en livre la recette, afin que vous constatiez jusqu’à quel point il est possible de manipuler les clients.
L’achat sera plus facilement effectué si le nombre représentant le prix se termine par un chiffre impair, compte non tenu des zéros. Ainsi sont 35,00 F, 47,00 F, 3,00 F, 12,50 F, du fait qu’avant les zéros on trouve : 5, 7, 3, 5.
Inversement : 24,00 F, 126,00 F, 8,00 F sont de mauvais prix (à cause de 4, 6, 8). »
« Voici la leçon : il y a en nous quelque chose qui commande certains de nos comportements, certains de nos gestes : cela s’appelle l’inconscient. On peut refuser d’y croire. L’exemple précédent devrait vous faire dresser l’oreille. »

17ème texte, 22 août 1976

Dans les années 1970-80, juste au moment où Michel J. Cuny et moi découvrions les multiples possibilités que les médiathèques municipales développaient, le divertissement, notamment le sport, commençait à inonder les médias. Un livre… À quoi ça sert ? Peut-être que la lecture permet à chacun(e) de comprendre mieux tel ou tel problème… Voici comment Michel J. Cuny traitait de la question :
« Je voudrais qu’on réfléchisse bien à ceci : un exploité est un être humain qui, lorsqu’il a cessé de travailler, est contraint d’utiliser tout son temps disponible pour reprendre des forces qui lui permettront de retourner au travail. Pourquoi la télévision, pourquoi les bals, le cinéma, les vacances ? Pour distraire, pour amuser : pas pour montrer la possibilité d’une autre vie. On vous “amuse”. Prenez bien conscience de ceci : vous êtes enfermés dans un cercle infernal qui se compose sur le modèle : travail – divertissement – travail – divertissement.
La lecture peut-elle vous arracher à ce mouvement aberrant ? Je réponds : oui, mais à condition de savoir choisir ses lectures, à condition de savoir comment on juge un texte, un roman. Et cela demande un effort, surtout au début. Bientôt, on constate que la lecture n’est pas un divertissement : elle change l’être humain, elle le grandit, elle lui apprend à se faire respecter. »

18ème texte, 29 août 1976

Inlassablement, Michel J. Cuny et moi nous transmettions le relais dans les Annonces. Cette fois, je le prenais pour interpeller mes consœurs : la vie d’une femme, n’était-ce que penser à son ménage ou à son miroir ? Je terminais ainsi :
« Alors, mesdames, soyez vigilantes ! Bonniche, potiche, bonniche-potiche, ou être humain à part entière, c’est à vous de choisir et de faire l’effort, si vous préférez l’être humain à la niaise. »

19ème texte, 5 septembre 1976

À cette époque, nous redécouvrions nos carnets de citations prises à partir de nos différentes lectures. Michel J. Cuny extrayait l’une d’elles de son carnet et la diffusait, comme ça, pour voir, dans “Les Annonces des Hautes Vosges”…
« « Le philosophe Gabriel MARCEL écrivait : « On ne voit pas pourquoi une société d’ignares, dont l’idéal individuel consisterait à trépider dans des dancings et à vibrer à des films sentimentaux ou policiers, ne serait pas elle-même une société ignare. C’est évidemment par ce qu’ils ont d’inférieur et de rudimentaire que ces individus s’agglomèrent… »
Nous qui avions passé notre prime jeunesse dans des bals populaires, ne nous sentions pas « ignares » pour autant. Mais, peut-être, avions-nous pris le meilleur de la danse, celle qui permettait la rencontre de jeunes gens et de jeunes filles à une époque où ces deux continents, masculin et féminin, longtemps séparés, commençaient à se rejoindre. La danse n’était pas encore devenue un piétinement de discothèque et la drogue ne s’était pas encore emparée des individus au point de devenir un objet de consommation presque ordinaire.
Michel J. Cuny concluait :
« J’ai trop appris qu’il ne faut compter que sur ses propres forces. Aussi, je réserve mes meilleures paroles, à ceux qui font l’effort de m’écrire et de m’interroger. Ceci dit pour ceux qui espèrent se nourrir, sans douleur, des miettes que j’abandonne ici. »

Après la parution de mon article dans le numéro précédent des Annonces, une dame de l’imprimerie avait pris la mouche :
« À propos de la semaine dernière : « Bonniche – Potiche », Mademoiselle Françoise PETITDEMANGE voudrait-elle avoir l’amabilité de nous dire dans quelle catégorie elle se place ?…
Ceci m’intéresse particulièrement, ainsi que de nombreuses lectrices. B. Fleurent. »
De cela, vous pouvez être sûr(e)s… Vous criez dans le désert. Pas ou peu d’écho… Mais, dès qu’il y en a un, ce n’est pas pour discuter vos propos mais pour agresser nommément. Ceci se prolonge jusqu’à notre époque, à travers les réseaux sociaux qui servent à certains-certaines de défouloirs.
À ce moment, je n’étais qu’au début de mes peines. Quelques années plus tard, certaines femmes ne me laisseront rien passer à partir de ce qu’elles auront mal compris de ce que je fais et de qui je suis.

20ème texte, 12 septembre 1976

Un livre… Qu’est-ce donc ? Un simple objet que l’on consomme comme on mange un hamburger avant de repartir au travail dans un quelconque bureau, par exemple ? Puis que l’on jette, sitôt lu, dans la corbeille à papier comme l’on jette un papier gras après avoir mangé son repas rapide ? Si cela est, c’est que le livre a été mal choisi et, s’il a été mal choisi, c’est peut-être aussi parce que les éditions regorgent de livres écrits à la va-vite, qui bénéficient d’une publicité considérable, et qui, effectivement, ne peuvent guère servir à autre chose qu’à remplir les corbeilles à papier…
Michel J. Cuny se proposait de montrer comment peut se lire un roman, par exemple. Et, pour ce faire, il partait de celui qu’il connaissait jusque dans ses détails : le roman qu’il venait d’écrire…
« Il est temps d’en venir à des exemples concrets. Pour permettre à ceux qui désirent tenter l’expérience de ce que peut la littérature, je me préoccupe actuellement de faire imprimer un roman : j’y raconte une brève aventure survenant à une dame d’une quarantaine d’années. »
« Ceux qui désirent passer un automne instructif peuvent nous faire confiance. L’expérience que nous tentons est unique et audacieuse. Sachez en apprécier la valeur. »

À la Chronique de Michel J. Cuny, j’ajoutais ma réponse à la question des « nombreuses lectrices » qui signaient, dans le numéro précédent des Annonces, d’un seul prénom escamoté « B. » qui, tout en se faisant passer pour un collectif, se dissimulait derrière l’anonymat des « Fleurent », c’est-à-dire de la famille qui publiait l’hebdomadaire :
« À aucun moment, je ne prétends être ou bonniche ou potiche, et je m’efforce de ne jamais paraître comme telle ou telle. Cela n’est pas facile. Pour pouvoir résister aux critiques, aux “cancans” auxquels je m’expose, il m’a fallu acquérir une certaine personnalité. »
Toutes les décennies suivantes jusqu’à maintenant se chargeraient de montrer ce que j’écrivais ici.

21ème texte, 26 septembre 1976

Avant de passer à l’analyse de son roman, Michel J. Cuny puisait, cette fois encore, dans ses notes de lecture :
« À nouveau, je citerai un philosophe : Alain. Il écrivait : « Il y a un enseignement qui a pour objet de séparer ceux qui sauront et gouverneront de ceux qui ignoreront et obéiront. » On peut penser qu’il savait de quoi il parlait : il a consacré toute sa vie à l’enseignement ; il a été le professeur le plus célèbre et le plus écouté de la première moitié de ce siècle.
Beaucoup tiennent à maintenir le peuple dans l’ignorance. Ainsi, je cours un danger non négligeable, en prenant le risque de contrarier un système d’éducation qui a fait ses preuves depuis l’Antiquité. Toutes les vérités ne sont-elles pas bonnes à dire ? Je le saurai bientôt, et je ne tarderai pas à en tirer les conséquences. »
Lorsque La Chronique prendra fin, il faudra, en effet, se souvenir de cette citation et du commentaire qu’en faisait Michel J. Cuny.

Françoise Petitdemange
10 juin 2018


3 réflexions sur “Michel J. Cuny – Françoise Petitdemange : en écho au partage du savoir, une première attaque personnelle…

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