par Issa Diakaridia Koné
Pour essayer de mieux comprendre dans quel cadre impérialiste se situe l’intervention de la France au Mali, et plus largement dans les pays du Sahel, je me réfère à la note publiée par Alain Antil, en février 2014, sous la responsabilité de l’Institut français des relations internationales (I.F.R.I). Ce texte porte en effet un titre très significatif : « Le boom minier au Sahel – Un développement durable ? »
Nous avions vu précédemment que, selon l’auteur, le sous-sol sahélo-saharien ne pourrait être mis en valeur que par des sociétés disposant de capitaux très importants… les multinationales, donc… qui tablent, bien sûr, sur une certaine durabilité, sur une durabilité certaine… de leurs investissements, et des régimes africains qui les cautionneront d’un bout à l’autre de l’exploitation des richesses et des travailleuses et travailleurs africain(e)s.
Allons plus loin, pour comprendre mieux…
Alain Antil évoque, tout d’abord, ce que l’époque actuelle a de particulier au plan mondial :
« Alors que les trois précédentes décennies avaient été caractérisées par une faiblesse des investissements dans les activités minières et par des cours des principaux produits atones, la décennie 2000 a marqué un renouveau, au niveau mondial, de la demande et des investissements. »
Nous sommes là dans la période qui a immédiatement précédé l’intervention française en Libye de 2011… Or, nous apprenons maintenant que l’essentiel de la prospection avait pris, dès ce moment, un certain retard en Afrique… alors qu’apparemment il s’y trouve de grands trésors…
« […] le continent reste une frontière minière où les grandes découvertes sont à venir. »
Or, une chose semble assurée :
« Les années 2000 ne sont que l’amorce d’un réel investissement des acteurs miniers internationaux sur le continent. »
« Des acteurs miniers internationaux »… Nous avions donc bien compris.
Et voici ce que les Africaines et les Africains ne devront surtout pas perdre de vue :
« Premier continent producteur mondial de platine, de cobalt et de diamants, l’Afrique disposait notamment en 2008, selon le Bureau de recherche géologique et minière (BRGM) de « 30 % de la bauxite, 60 % du manganèse, 75 % des phosphates, 85 % du platine, 80 % du chrome, 60 % du cobalt, 30 % du titane, 75 % du diamant et près de 40 % de l’or. » »
L’Occident ne peut pas regarder cela d’un œil seulement indifférent… C’est l’avenir de sa domination qui se joue sur des éléments fondamentaux de ce type.
Et voici qu’Alain Antil s’engouffre dans quelque chose de très intéressant :
« L’évolution minière d’un pays ne peut évidemment s’analyser à la seule aune de ses réserves. Il faut que l’exploitation de ces réserves puisse être rentable pour l’opérateur, ce qui implique une série de conditions à réunir : stabilité juridique, politique et sécuritaire, possibilité d’évacuer les minerais à coût raisonnable et, enfin, que le cours de ces minerais sur les marchés mondiaux soit attractif. »
« Rentable pour l’opérateur »… C’est-à-dire pour les multinationales occidentales qui ont été cruellement absentes en raison des différentes prises d’indépendance des années 1960… Ainsi aura-t-il fallu attendre les premiers soubresauts de l’effondrement de l’Union soviétique – qui avait soutenu, autant que possible, les jeunes États africains dans leur volonté de s’arracher aux vieilles dominations coloniales -, pour voir réapparaître certains appétits d’autrefois… Alain Antil nous en donne un aperçu :
« Au tournant des années 1980 et 1990 en effet, la Banque mondiale constate que « L’Afrique profite moins que l’Amérique latine ou l’Asie de l’exploitation des ressources minières pour doper sa croissance ; les compagnies minières privées la boudent en y investissant moins de 5 % des dépenses d’exploration mondiales. En Afrique plus que partout ailleurs la part de la valeur de la production réinvestie en prospection est mineure : 1 % contre 10 % ailleurs ». »
Quel manque à gagner, n’est-ce pas, pour le capitalisme mondial !…
Ainsi, sitôt l’effondrement de l’Union soviétique, les vautours ont-ils été de retour. Laissons Alain Antil nous dire comment…
« La Banque mondiale et les bailleurs multilatéraux prescrivent à nombre d’États africains de tenter d’attirer de nouveaux investisseurs. Plus de 35 pays vont alors modifier leur code minier durant la décennie 1990 et le début des années 2000 pour se rendre attractifs, avec d’importantes exemptions fiscales à l’égard des compagnies minières étrangères. »
…Qui permettent aux multinationales de faire porter le poids de la fiscalité sur des populations pourtant extrêmement pauvres… Ceci étant sans doute la moindre des choses, puisqu’il s’agit d’engraisser les capitaux au détriment du travail !…
Vraiment ! Allons-nous continuer à les laisser faire ? N’aurons-nous pas la force de déjouer leurs projets criminels qui menacent de nous maintenir dans le malheur pour des décennies ?
… puisqu’il s’agit de « leur » développement durable ?
Issa Diakaridia Koné
NB. La collection complète des articles d’Issa Diakaridia Koné est accessible ici :
https://unefrancearefaire.com/category/lafrique-par-elle-meme/
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