Depuis la mise en place
de cette sculpture devant l’ONU en 1988,
combien de guerres civiles et de guerres néo-coloniales
déclenchées par le trio occidental et ses suppôts ?
IV. 35 – « La force de la raison
plutôt que la raison de la force »
(4/4)
Des divergences fondamentales
lors des débats du 18 décembre 2015
au Conseil de sécurité de l’ONU
Siti Hajjar Adnin (Malaisie)
La Malaisie fait partie des 15 pays qui ont adopté, le 18 décembre 2015, aux côtés des 5 pays membres permanents du Conseil de sécurité, la Résolution 2254 (2015). Sa représentante permanente adjointe auprès de l’ONU, Mme Siti Hajjar Adnin, sacrifie, elle aussi, aux « droits de l’homme » :
« Mme Siti Hajjar Adnin (Malaisie) a déclaré que le conflit syrien continuait d’être caractérisé par des violations flagrantes des droits de l’homme et du droit international humanitaire, perpétrées de part et d’autre. » [Idem.]
Mais… c’est suffisamment rare pour être souligné : elle renvoie les combattants, dos à dos, parce qu’elle ne voit pas, comme certain(e)s, les « violations flagrantes des droits » exclusivement commises par l’État syrien.
Par ailleurs, et c’est sans doute le moment le plus crucial de son intervention, Mme Adnin revient au principal intéressé dans tout cela : le peuple syrien.
« Évoquant ensuite le processus politique, Mme Adnin a indiqué qu’« aucun effort de persuasion, aucune pression » ne serait couronné de succès sans le consentement du peuple syrien. Assurant qu’il n’y avait pas de solution militaire au conflit, elle a demandé au Secrétaire général et à son Envoyé spécial de n’épargner aucun effort pour convenir de la tenue de pourparlers début janvier et souhaité que soit pleinement mise en œuvre la résolution 2254 (2015). » [Idem.]
Question : Mme Siti Hajjar Adnin, devra-t-elle enlever son voile, la prochaine fois ? Devra-t-elle choisir entre le voile et l’expression ? A-t-elle vraiment l’air d’une femme soumise parce qu’elle porte un voile ?
Joy Ogwu (Nigéria)
Une autre représentante permanente, cette fois du Nigéria, auprès de l’ONU, Mme Joy Ogwu, qui a été ministre des Affaires Étrangères de son pays en 2006-2007, est partisane du développement des relations Sud-Sud (Afrique subsaharienne–Amérique latine).
« Mme Joy Ogwu (Nigéria) a estimé que la communauté internationale n’avait d’autre choix que de vaincre le terrorisme. » [Idem.]
Une façon subtile d’amener certains États à rompre leur soutien aux « groupes terroristes ».
Rafael Darío Ramírez Carreño (Venezuela)
L’intervention de celui qui a été ministre des Affaires Étrangères du Venezuela, de septembre à décembre 2014, et qui est alors, depuis le 26 décembre 2014, représentant permanent auprès de l’ONU, en dit long sur certains procédés auxquels doivent faire face certains pays au sein de l’ONU (procédés qui avaient été dénoncés, le 23 septembre 2009 notamment, par Muammar Gaddhafi à la tribune de l’ONU) :
« M. Rafael Darío Ramírez Carreño (Venezuela) a indiqué que sa délégation avait voté en faveur de la résolution 2254 (2015), malgré le peu de temps dont elle a disposé pour en prendre connaissance. « La solution au conflit armé en Syrie, qui résulte des actions criminelles de groupes terroristes, est politique, pacifique et négociée », a-t-il précisé. » [Idem.]
Rompant avec certains(e)s intervenant(e)s, il tient compte, d’abord et avant tout, de la situation politique réelle : le Président Bachar El Assad a été réélu par le peuple syrien et le Gouvernement est issu de cette élection…
« Le Venezuela, a déclaré le représentant, considère que le Gouvernement légitime du Président al-Assad est l’un des acteurs essentiels de l’équation politique pour résoudre le conflit. « Ignorer ce fait ne peut que condamner à l’échec le processus de paix », a-t-il prévenu. Les groupes de l’opposition doivent être bien conscients qu’ils doivent s’asseoir à la table des négociations avec les autorités syriennes dans un esprit constructif. Rappelant que le Gouvernement syrien livrait « une lutte sans merci » contre les organisations terroristes comme l’ÉIIL et le Front el-Nosra, il a appelé au renforcement de la coopération internationale dans ce combat. » [Idem.]
Ce qui est en contradiction avec des sous-entendus, voire des affirmations qui placent le Président syrien aux côtés des « groupes terroristes ». Quel intérêt Bachar El Assad aurait-il à soutenir les « groupes armés » qui attaquent son pays, son gouvernement et qui l’attaquent lui-même ?
Gérard van Bohemen (Nouvelle-Zélande)
Le représentant permanent de la Nouvelle Zélande auprès de l’ONU, qui est partisan par ailleurs d’une entité à deux États, palestinien et israélien, et d’un règlement du conflit, en faveur du Front Polisario, dans le Sahara occidental, apporte une contribution quelque peu équilibrée, même s’il oublie que les protestations, limitées, contre l’État syrien n’ont pas été longtemps pacifiques en 2011 et qu’à ce niveau-là une armée et une police, qui doivent se défendre et défendre la population contre des attaques armées, provoquées à l’intérieur et de l’extérieur, ne peuvent guère être considérées comme des institutions pratiquant des « violations du droit international humanitaire », sauf à considérer que les polices et les armées, des pays du monde qui déplaisent aux États occidentaux, n’ont plus aucunement le droit – au nom des droits de l’homme et des droits humanitaires – de défendre leurs pays et leurs populations lorsqu’elles sont attaquées sur leur propre sol.
« M. Gérard van Bohemen (Nouvelle-Zélande) a estimé que la réponse cruelle du Président syrien, M. Bachar Al-Assad, aux protestations pacifiques, et ses violations du droit international humanitaire, avaient aggravé le terrorisme et l’extrémisme dans le pays, ouvrant ainsi la voie aux combattants terroristes étrangers. Il a aussi relevé que le Conseil de sécurité devrait également partager la responsabilité de ce qui se passe en Syrie. Ce qui s’y déroule souligne l’importance de prévenir les conflits, a-t-il dit, en invitant le Conseil à faire preuve d’unité sur la question. Il a ensuite déclaré que ceux qui sont impliqués militairement en Syrie doivent comprendre qu’aucune partie ne peut gagner par les armes. » [Idem.]
Voilà qui est rarement dit : le Conseil de sécurité de l’ONU n’est pas exempt de tout reproche. Cf. L’Irak, la Libye, etc., et la Syrie.
Et puis…
« Les belligérants de l’intérieur du pays, ainsi que les acteurs internationaux impliqués dans la crise, « doivent accepter que les solutions politiques signifient les compromis politiques », a estimé M. Van Bohemen. « Une solution politique est nécessaire, même si elle n’est pas parfaite », a-t-il fait observer. Le délégué a en outre plaidé pour un cessez-le-feu général. Il a aussi souhaité que les actions militaires soient exclusivement orientées vers Daech, le Front el-Nosra, et tout autre groupe terroriste. Par ailleurs, il a souligné que le sort du Président Bachar Al-Assad doit être décidé à travers un processus intra-syrien. Il a aussi dit que la Nouvelle-Zélande encourageait une transition politique qui soit inclusive, représentative et qui permette de soutenir les populations du pays. Il a, enfin, appelé le Conseil de sécurité à renouveler le mandat relatif à l’assistance humanitaire transfrontalière afin d’aider des millions de personnes qui sont dans le besoin du fait de la crise syrienne. » [Idem.]
Ce propos, à savoir « que le sort du Président Bachar Al-Assad doit être décidé à travers un processus intra-syrien », exclut toute ingérence extérieure dans les affaires intérieures de l’État syrien. Après tout, n’est-ce pas à la population syrienne qui vit dans son pays de décider de ce qui lui convient ? D’ailleurs, n’a-t-elle pas réélu Bachar El Assad à la présidence de la République Arabe Syrienne ?
Christian Barros Melet (Chili)
L’ex-ambassadeur du Chili au Royaume-Uni et en Irlande (2000-2002), devenu sous-secrétaire d’État aux Affaires Étrangères (2002-2006), puis de nouveau ambassadeur, cette fois au Pérou (2006-2008), en Italie et à Malte (2008-2010), puis en Inde, est, depuis 2014, représentant permanent du Chili auprès de l’ONU.
« M. Christian Barros Melet (Chili) a espéré que la résolution 2254 (2015) contribuera au cessez-le-feu et au lancement d’un processus de négociations formelles en vue de trouver un accord politique durable en Syrie. Il a recommandé de surmonter, maintenant, les divergences et de trouver un terrain d’entente. Le Chili recommande d’assurer la participation inclusive de tous les acteurs syriens disposés à trouver une solution politique. Le Communiqué de Genève du 30 juin 2012 est clair, a rappelé M. Barros : « Il doit s’agir d’un processus politique dirigé par les Syriens eux-mêmes. ». » [Idem.]
C’est dire qu’il fait chorus avec tous ceux qui considèrent qu’il faut laisser aux Syriens le soin de décider de leur politique.
« À cet égard, toute solution politique doit préserver l’indépendance, la souveraineté nationale, l’unité et l’intégrité territoriale de la Syrie. M. Barros Melet a été d’avis que les institutions étatiques devraient rester intactes pour éviter un effondrement qui aurait des conséquences catastrophiques pour la population civile. S’il faut combattre de manière unie le terrorisme, a-t-il ajouté, il faut veiller à ce que le terrorisme n’arrête pas le processus politique. » [Idem.]
Ce qui s’est passé en Libye est exactement ce que ne veut pas M. Barros Melet en Syrie : la désintégration des « institutions étatiques ». Car, contrairement à ce qui a été dit, il y avait des structures et des institutions étatiques en Libye : elles ont été niées parce qu’elles étaient constitutives de l’État des masses c’est-à-dire de la démocratie directe dont ne veulent pas entendre parler les bourgeoisies occidentales parce que cette réelle démocratie met en cause leurs oligarchies masquées derrière les prétendues démocraties.
Mahamat Zene Cherif (Tchad)
De 2007 à 2013, M. Cherif a été ambassadeur du Tchad en Éthiopie, et représentant permanent du Tchad auprès de l’UA (Union Africaine) et de la CÉA (Commission Économique pour l’Afrique). Depuis septembre 2013, M. Cherif est le représentant permanent du Tchad auprès de l’ONU :
« M. Mahamat Zene Cherif (Tchad) a estimé qu’il était grand temps pour le Conseil de sécurité de faire le bilan de son action sur la situation en Syrie. Malgré la présentation de plusieurs textes par le passé, force est de constater que les violences et les destructions se poursuivent, a regretté le représentant. La communauté internationale ne doit pas, cependant, baisser les bras et [; elle doit] faire, au contraire, « prévaloir la force de la raison plutôt que la raison de la force », a-t-il déclaré. Seul un processus politique, a estimé M. Cherif, est à même de mettre un terme au conflit, « qui a fait 250.000 morts, dont 12.000 enfants ».» [Idem. Note FP : La conjonction de coordination « et » a été barrée par moi et remplacée par un point-virgule et des mots entre crochets.]
Ce que met en cause M. Cherif, c’est bien l’efficacité du Conseil de sécurité. Pourquoi ce manque d’efficacité ? La réponse se trouve dans cette phrase : « la communauté internationale » doit faire « prévaloir la force de la raison plutôt que la raison de la force ». Ce qui n’est pas évident puisque les déstabilisations des pays récalcitrants à suivre le schéma politico-économique occidental se font à l’intérieur des pays mais aussi depuis l’extérieur.
Bashar Ja’afari (Syrie)
Le représentant permanent de la République Arabe Syrienne auprès de l’ONU évoque un problème récurrent qui a fait le malheur de bien des populations : « l’ingérence étrangère ».
« M. Bashar Ja’afari (Syrie) a demandé que la situation dans son pays soit interprétée de façon correcte et que la lutte contre le terrorisme se fasse conformément au droit. Le Gouvernement syrien, a-t-il assuré, est toujours prêt à considérer toute initiative ou tout désir sérieux de l’aider à surmonter la crise actuelle, à condition que les Syriens seuls fassent leur choix, sans ingérence étrangère. » [Idem.]
Cette ingérence – faut-il le redire ? – est le fait des États occidentaux qui ne cessent de vouloir imposer leur système politique et économique dans l’ensemble du monde. Pour ne rien dire de tout le reste… Histoire, culture, etc.
Bashar Ja’afari évoque un autre problème essentiel : la contradiction perpétuelle entre la parole et les actes :
« Il a fait remarquer que « certains pays réaffirment la souveraineté de la Syrie au Conseil de sécurité, mais la violent sur place en appuyant des groupes terroristes, en bombardant des infrastructures ou en imposant des sanctions unilatérales au peuple syrien ». Tous les efforts entrepris aujourd’hui doivent l’être en coopération avec le Gouvernement syrien, a-t-il insisté. » [Idem.]
Après tout, c’est aux Syriens et aux Syriennes de décider de leur avenir dans leur propre pays, où ils-elles habitent, travaillent, s’instruisent, se déplacent, se soignent…
« Le représentant a regretté que « les pays qui ont une influence directe sur certaines parties sapent la solution politique ». Pour lui, le succès du processus politique dépend d’une lutte commune solidaire contre le terrorisme. Il s’est félicité de l’adoption de la résolution 2254 (2015) et [a] salué les efforts déployés par la Russie, à cet égard, pour introduire une nouvelle dimension dans le texte. Il a également espéré que la résolution 2253 (2015) sur le financement du terrorisme, adoptée hier, permettra de combler les lacunes existantes. « Le rétablissement de la paix et de la sécurité en Syrie exige que nous traitions immédiatement de la menace du terrorisme », a ajouté M. Ja’afari. » [Idem. Note FP : Le mot ajouté entre crochets est de moi.]
Bashar Ja’afari devait insister sur certains principes :
« En outre, a-t-il déclaré, le Gouvernement syrien est prêt à mettre un terme aux combats pour rétablir la réconciliation, l’unité et la normalité, si les groupes syriens armés renoncent aux armes. « Ils seront pardonnés », a-t-il affirmé. Par contre, le Gouvernement syrien, a-t-il assuré, n’aura jamais de dialogue avec les groupes terroristes comme l’ÉIIL ou le Front el-Nosra. » [Idem.]
Mais les pays qui leur livrent des armes, peuvent-ils cesser ces livraisons qui, bien sûr, devront être payées à un moment donné ? Ces mêmes pays qui ont livré des armes aux prétendus rebelles et aux groupes d’Al-Qaïda en Libye se sont empressés, une fois le Guide révolutionnaire assassiné, de présenter la facture au peuple libyen… Les groupes de l’ASL (Armée syrienne libre) peuvent-ils renoncer au pouvoir et ceux de « Daesh » peuvent-ils renoncer à l’extension de l’État Islamique ; les uns et les autres peuvent-ils renoncer aux ambitions qui leur ont fait prendre les armes ?
Le problème majeur reste les contradictions de certains intervenants quant à la souveraineté du peuple syrien…
« En conclusion, le représentant a dénoncé « des contradictions flagrantes » dans les déclarations faites par certains intervenants. Il a réitéré que le peuple syrien devrait décider seul de son avenir. Des délégations s’opposent aux dispositions du texte « avant même que l’encre ne soit sèche », a-t-il fait remarquer. » [Idem.]
L’intervention de Bashar Ja’afari en dit long sur les motivations de certains intervenants… et sur leur désir – imaginaire ou réel – d’arrêter le massacre en Syrie.
Suite : IV. 36 – L’humanitaire ? une bonne affaire pour les investisseurs…
Françoise Petitdemange
24 mars 2017