Tous pour un, un pour tous, ou presque

Au Sénat le 13 janvier 2015, lors du débat organisé en présence de Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international, sur la demande du Gouvernement de se voir donner une autorisation de prolongation de l’intervention des forces armées en Irak, les deux premiers intervenants, Robert Hue pour le Rassemblement démocratique et social européen, et Stéphane Ravier pour le Front national ont souligné, pour l’un, la nécessité des opérations extérieures, pour l’autre, la priorité d’une sorte de chasse aux sorcières terroristes à l’intérieur.

Le Sénat

Vient ensuite le tour de l’UDI (Union des démocrates et indépendants) qui, par la voix d’Aymeri de Montesquiou, rétablit une sorte d’équilibre entre les deux terrains intérieur et extérieur :
« Il faut détruire Daesh pour faire cesser le massacre des minorités, les viols et le commerce de petites filles, mais aussi pour des raisons de sécurité intérieure. On évalue entre 1 000 et 1 500 le nombre de djihadistes français de Daesh. Ils sont en fait sans doute plus… Selon un sondage, 25 % des 18-25 ans éprouveraient de la sympathie pour Daesh !« 

Bruno Retailleau pour l’UMP (Union pour un mouvement populaire) se place sur la même ligne :
« Notre combat en Irak est le prolongement de celui que nous menons en France contre le terrorisme et c’est pourquoi le groupe UMP votera la prolongation de notre intervention. »

Sans surprise, le représentant du groupe socialiste, Daniel Reiner, entonne lui aussi ce refrain :
« La notion de théâtre d’opération enfermé dans des limites géographiques strictes a perdu de sa pertinence. La défense de l’avant et la sécurité de l’arrière – c’est-à-dire du territoire national- sont de plus en plus liés.« 

S’il faut en croire ce que déclare Leila Aïchi, la position des écologistes est beaucoup plus insaisissable sur cette question des deux versants de l’intervention étrangère et de son lien avec la situation à l’intérieur du pays. Un souci est certes affirmé :
« Ce qui doit nous guider, c’est la sécurité des Français, en France et à l’étranger. L’heure est à la mobilisation et à l’unité nationale. »

Mais, sur la situation intérieure, la plus grande prudence s’impose :
« Le risque de nouveaux attentats sur notre sol ne doit pas justifier un Patriot Act à la française. Nos services ont surtout besoin de moyens humains et matériels. »

Quant à ce qu’il convient de faire à l’extérieur :
« Daesh n’est pas un État, c’est une organisation de fanatiques criminels. Il faut neutraliser cet obscurantisme. Cette tâche incombe tout d’abord aux Irakiens, que nous devons aider. »

Ceci étant dit, et après avoir rappelé que, déjà, « Le groupe écologiste a soutenu les interventions au Mali et en République centrafricaine« , et après avoir émis un voeu parfaitement hors saison : « Je forme le voeu que cette assemblée ne légifère jamais en divisant la France ; je forme le voeu d’un monde sans corruption ni pillage ; je forme le voeu d’un monde de justice où aucun peuple ne pourra en avilir ou en soumettre un autre« , la sénatrice écologiste va devoir finir par nous faire cet aveu :
« Après un vif débat, le groupe écologiste a décidé de voter en faveur de la prolongation de notre intervention en Irak.« 

C’est grâce à l’intervention de Michelle Demessine pour le parti communiste que certains éléments essentiels vont enfin apparaître dans le débat :
« Rappelons que Daesh est né du chaos provoquée par l’intervention anglo-américaine en Irak, liée aux intérêts des pétromonarchies. Le peuple irakien n’a pas cessé de payer le prix de cette folle idée d’imposer par la force le modèle américain qui a nourri le choc des civilisations cher à George BushCette guerre, menée au nom de la lutte contre le terrorisme, a fait naître un nouveau foyer de terrorisme international. Pour y remédier, la solution sera politique ou ne sera pas.« 

    Cependant, alors que le parti communiste dispose, dans des bagages historiques qu’il n’aurait jamais dû perdre, de deux mots fondamentalement liés à ce qui vient d’être dit de la politique US – colonialisme et impérialisme -, on le voit se rabattre sur des positions parfaitement idéalistes précédemment apparues déjà chez les écologistes :
« Le drame qui a frappé la France doit susciter des réponses innovantes. Redonnons sa puissance à l’ONU. Menons la guerre à l’ignorance, au fanatisme et à l’obscurantisme. Les seules armes sont l’éducation, la culture, la négociation. La paix est l’immense chantier. La France doit y consacrer toutes ses forces. »

Guerre plus douce, sans doute. Et jusqu’à quand ?… Mais surtout, guerre toujours orientée, à l’échelle du monde, des mêmes classes dominantes contre les mêmes classes dominées… C’est dans ce champ-là que les communistes français refusent de s’investir depuis si longtemps… Depuis toujours ?

Quoi qu’il en soit le résultat est là, ainsi que nous le révèle Michelle Demessine :
« Le groupe CRC [Communiste républicain et citoyen] estime que la stratégie américaine est sans issue : il s’abstiendra donc. (Applaudissements sur les bancs du CRC)

Est-ce vraiment à la hauteur d’un pays embarrassé de ses quelques millions de chômeurs, et que fascine cette perspective si rassurante pour les intérêts de quelques-uns et pour la veulerie de la grande majorité des autres : la guerre civile et/ou étrangère ?…

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Michel J. Cuny


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