On nous a tant parlé des camps de concentration, des chambres à gaz et de toutes les horreurs perpétrées ici ou là par le nazisme, que nous avons fini par croire que nous en avions été libérés. Bientôt, par la grâce de personnages de la dimension d’Hannah Arendt, nous avons découvert que nous ne savions pas encore le pire : les héros qui, au début de 1943 à Stalingrad, avaient imposé un coup d’arrêt aux troupes nazies avant que ce coup d’arrêt ne se transforme en un revers de dimension mondiale, étaient dirigés par un autre Hitler : Staline.
Voici comment l’ensemble du monde ouvrier européen a bientôt quitté la route que paraissaient lui indiquer les différentes résistances nationales, pour prendre celle du chômage de masse, du désespoir et de la honte… En France, plus particulièrement, ceci s’est traduit par la disparition totale de la pensée politique qui avait animé un certain Jean Moulin… N’y avait-il pas, dans son ombre, et à travers Pierre Cot, quelque chose qui était peut-être (sait-on jamais ?) le KGB ?… Et par conséquent… conviendra-t-il longtemps encore… de laisser Jean Moulin lui-même séjourner… au Panthéon?
(Pour remédier un peu à cette énorme perte de savoir, on pourra se reporter à l’ouvrage de Michel J. Cuny – Françoise Petitdemange : Fallait-il laisser mourir Jean Moulin ?)
Mais il nous faut ici revenir au terrible dévoiement du récit historique qu’Hannah Arendt et ses relais sont parvenus à induire en utilisant une méthode insidieuse dont nous commençons seulement à découvrir les principales caractéristiques. Manifestement, cette reformulation d’une idéologie dominante adéquate au maintien de la domination capitaliste impérialiste d’après les monstruosités du nazisme a si bien réussi qu’un réflexe d’origine inconsciente paraît s’imposer désormais à chacune et chacun d’entre nous : historiquement et idéologiquement, Hitler et Staline ne font plus qu’un ; l’un appelle l’autre, et l’autre l’un. Il suffit à quiconque de s’interroger soi-même en toute sincérité pour en avoir immédiatement la preuve.
Dans le cadre plus particulier du « joli » travail réalisé par Hannah Arendt dans son livre « Les Origines du totalitarisme« , voici le chemin que cela prend.
Souvenons-nous : nous avions laissé Hitler dans une parenthèse à la page 200. Il y arrivait sans que quiconque ait crié gare. Il y arrivait presque en touriste… à travers l’expression « en l’occurrence »… Il y arrivait un peu par hasard… Il y arrivait avec une certaine bonhomie… Et puis, tout de même, il était bien là, et avec lui la masse énorme des crimes, des massacres, des bombardements, des tortures diverses, le tout commis, un peu partout dans le monde, par la grâce de son nom. Que venait-il faire auprès de Mao et Staline ? Pas grand-chose : tout juste déteindre sur. Que le sang répandu par lui puisse se répandre ailleurs… Aujourd’hui, c’est fait et bien fait : toute la scène des Guignols du totalitarisme est couverte des flots d’un sang dont il n’importe plus à personne de savoir d’où il vient.
Car, comme nous le dit l’« éblouissante » Hannah Arendt dès la page 201 :
« L’essentiel, bien sûr, n’est pas que la Chine communiste soit différente de la Russie communiste, ni que la Russie de Staline soit différente de l’Allemagne de Hitler. »
Puisque c’est du pareil au même… Comme le démontrent jusqu’à plus soif tous ces documents qui n’existent pas…
(À suivre…)
Michel J. Cuny