Derrière le patriotisme, la lutte des classes

Nous avons évoqué précédemment la duplicité inhérente à l’Education « nationale », c’est-à-dire sous obédience bourgeoise… Ici, nous atteignons le lieu où elle prend des proportions monstrueuses. Car, si Ernest Renan parle tant de nation et de patrie, il n’avait pas hésité à écrire dès le lendemain de la perte de l’Alsace-Lorraine (1871) :
« Si la Prusse réussit à échapper à la démocratie socialiste, il est possible qu’elle fournisse pendant une ou deux générations une protection à la liberté et à la propriété. Sans nul doute, les classes menacées par le socialisme feraient taire leurs antipathies patriotiques, le jour où elles ne pourraient plus tenir tête au flot montant, et où quelque Etat fort prendrait pour mission de maintenir l’ordre social européen. »

Dans la cour de l’école de la République…

Et c’est le même triste sire qui se permettait d’écrire, à propos du jour de la naissance de la Commune de Paris :
« Le 18 mars 1871 est, depuis mille ans, le jour où la conscience française a été le plus bas. »

Ernest Renan n’aura pas eu la joie d’être parmi ceux qui s’en remettront à Adolf Hitler du soin d’opérer le grand nettoyage au lendemain du Front populaire. Mais on peut mentionner ici l’intéressant témoignage fourni par le général de Gaulle à propos de Philippe Pétain et de ce qui se passa vers le 14 juin 1940 :
« Il faut dire que, de toute manière, le Maréchal tenait la partie pour perdue. Ce vieux soldat, qui avait revêtu le harnois au lendemain de 1870, était porté à ne considérer la lutte que comme une nouvelle guerre franco-allemande. Vaincus dans la première, nous avions gagné la deuxième, celle de 1914-1918, avec des alliés sans doute, mais qui jouaient un rôle secondaire. Nous perdions maintenant la troisième. C’était cruel, mais régulier. Après Sedan et la chute de Paris, il n’était que d’en finir, traiter et, le cas échéant, écraser la Commune, comme, dans les mêmes circonstances, Thiers l’avait fait jadis. »

Cela démontre bien que, pour des hommes qui – à l’instar du maréchal Pétain – sont considérés comme les héros de la guerre de 1914-1918, la notion de patrie n’est pas la plus importante. Ils sont avant tout les défenseurs de l’ordre et de la propriété, les ennemis du prolétariat. Ils sont de la lignée d’Ernest Renan. Et l’école primaire est leur auxiliaire principale, qui colporte l’erreur historique, dissimule des pans entiers de la réalité sociale, et rajoute quelques images destinées à fasciner les enfants du peuple.

Michel J. Cuny

(Ce texte est extrait de l’ouvrage de Michel J. Cuny – Françoise Petitdemange « Le feu sous la cendre – Enquête sur les silences obtenus par l’enseignement et la psychiatrie » – Editions Paroles Vives 1986, qui est accessible ici.)


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